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Lambert-Lucas
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La métaphysique n'est pas qu'une discipline d'école, elle est un besoin de la pensée. Ainsi, selon Kant, « la raison humaine, depuis qu'elle a commencé à penser ou plutôt à réfléchir, n'a-t-elle jamais pu se passer d'une métaphysique, bien qu'elle n'ait pas pu la présenter suffisamment épurée de tout élément étranger. L'idée d'une telle science est aussi ancienne que la raison spéculative de l'homme, et quelle raison ne spécule pas, soit à la manière scolastique soit à la manière populaire ? » Le présent ouvrage propose un cheminement à travers l'histoire de la métaphysique, en considérant ces deux approches, scolastique et spontanée, étroite et large, purifiée et voilée. Il interroge autant l'orientation onto-théologique de la métaphysique que son sens pour l'existence humaine et le fondement des diverses critiques qui lui sont opposées.
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Søren Kierkegaard, une biographie (1813-1855)
Joakim Garff
- LAMBERT-LUCAS
- Essais
- 20 Novembre 2024
- 9782359354362
Les connaissances relatives à Kierkegaard se limitent souvent à quelques clichés associés à la rupture de ses fiançailles ou à son roman, Journal du séducteur. La dernière biographie qui lui a été consacrée en France remonte à 1956. Ce livre vient donc heureusement combler un manque. Son originalité doit beaucoup à la qualité et à la diversité, sinon à l'exhaustivité de ses sources :
témoignages de contemporains, articles de presse, registres paroissiaux, correspondances, sans parler des innombrables notations tirées des Journaux et cahiers de notes laissés par Kierkegaard après sa mort. -
L'ouvrage met en perspective les différentes conceptualisations de la notion de « commun » en les resituant dans les champs de la métaphysique, de la philosophie du langage et de la philosophie de la connaissance. Cette armature conceptuelle forte donne accès à une réflexion de philosophie politique et sociale dont l'enjeu est la question de l'unité du divers.
De quoi la fameuse « tragédie des communs » est-elle le nom? De rien moins que de la quête d'une unité politique malgré la diversité irréductible des intérêts individuels. Trouver le commun, c'est parvenir à dépasser l'incom-mensurabilité des intérêts privés afin de rendre possible la coopération à tous les échelons de la vie sociale. Le commun est ainsi devenu un problème central de la philosophie politique et sociale de la fin du XXe et du début du XXIe siècle, ranimant les critiques adressées un siècle plus tôt par le communisme et le socialisme à l'encontre de la société marchande et de l'idéologie propriétaire exclusiviste.
En privilégiant les aspects proprement politiques et juridiques du thème, ce livre accorde une place importante au dialogue entre les auteurs « classiques », mais aussi aux propositions plus récentes et à l'articulation entre le théorique et l'empirique - le tout appuyé sur de nombreux exemples. -
L'esthétique n'émerge qu'au dix-huitième siècle, avec un statut particulier. Philosophie appliquée, «?science de la connaissance sensible?» (Baumgarten) dont l'objet privilégié mais non exclusif est l'art, elle a pu être confondue avec la philosophie de l'art. Cet ouvrage envisage l'esthétique en tant qu'elle met en évidence l'intelligibilité propre à l'expérience sensible - et qu'elle est prise, de ce fait, entre attention portée à la singularité et exigence de vérité. Il fait cependant droit aux discours sur l'expérience des oeuvres qui, avant l'apparition du terme esthétique, délimitent un espace de débat sur le sensible?; il est également attentif à ses redéfinitions plus récentes, de la phénoménologie et l'herméneutique à la philosophie analytique. Enfin, ce livre propose également une approche centrée sur des arts moins souvent étudiés en philosophie : la musique, la danse et la fiction. Un fil rouge traverse l'ouvrage, depuis ses formulations antiques (Aristote) jusqu'à ses théorisations les plus contemporaines (Kendall Walton) : la question de la mimésis.
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Être sensible à la sensibilité est un des traits de la pensée moderne. Celle-ci en fait l'éloge alors qu'elle fut longtemps considérée comme une faculté inférieure et trompeuse.
La sensibilité ouvre la conscience au monde, mais c'est intérieurement qu'elle nous affecte. Comment penser cet accord entre intérieur et extérieur ? Est-elle active ou passive ? Relève-t-elle de la pensée ou du corps ? N'est-elle pas précisément, au-delà de ces distinctions, un autre rapport au monde, irréductible aux autres facultés ? C'est cette difficulté que cet ouvrage cherche à explorer.
La sensibilité se dit aussi en plusieurs sens : d'une part, elle permet de former des représentations du monde sensible, en vue de la connaissance. D'autre part, elle désigne l'aptitude humaine à éprouver des émotions et des sentiments. Enfin, elle est le médium de l'expression artistique. On a cherché ici à étudier la façon dont la tradition philosophique explicite ces dimensions, privilégiant parfois telle ou telle d'entre elles.
Une bibliographie analytique annexée donne des outils pour poursuivre la recherche. -
De l'écran à l'écrit : enseigner la philosophie par le cinéma
Frédéric Grolleau
- Lambert-Lucas
- 21 Décembre 2021
- 9782359353112
Alternant séquences cinématographiques et extraits de grands textes qui vont de Platon jusqu'à Sartre, ce catalogue de ressources propose 52 chapitres d'analyses et d'exercices de philosophie générale basés sur autant de films.
Répondant aux professeurs qui ne savent plus comment intéresser leurs élèves à cette discipline, Frédéric Grolleau propose de mettre le cinéma au service de l'enseignement de la philosophie. Soulignant les relations entre récits filmiques et notions du programme, il décrit des méthodes éprouvées de mise en pratique du cinéma dans la conduite de la classe.
Ni réflexion générale sur le rapport entre la philosophie et le cinéma (on sait que la caverne de Platon préfigure les salles obscures) ni anthologie d'analyses filmiques, l'ouvrage détaille les façons d'utiliser le cinéma et présente des films effectivement exploités en cours.
L'ensemble est illustré de travaux d'élèves (devoirs écrits et transcriptions d'interventions orales) qui donnent une idée des résultats qu'il est ainsi possible d'atteindre.
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Qui enseigne qui? : Pour une pédagogie inverse en philosophie
Alice Soltysiak, Jérémy Romero, Olivier Leblond
- Lambert-Lucas
- 5 Décembre 2019
- 9782359352931
La réflexion pédagogique a pour objectif de déterminer comment un enseignant peut être le plus utile à la progression intellectuelle de ses élèves. Mais on peut inverser la relation en se demandant si les élèves sont utiles à la progression intellectuelle de l'enseignant, et comment faire en sorte qu'ils le soient. On pourrait désigner cette question comme l'enjeu d'une pédagogie inverse, l'enseignant s'éduquant lui-même grâce à ses élèves.
Tout comme la pédagogie, la pédagogie inverse doit prendre en compte les situations d'enseignement. Et cela d'autant plus que la nature de l'enseignement philosophique en lycée encouragerait à nouer un véritable dialogue avec les élèves, favoriserait un certain style de réflexion, conduirait à privilégier des questions, des méthodes et des références déterminées, à acquérir des vertus intellectuelles spécifiques.
Est-ce vraiment le cas? Telle est la question dont partent les contributions ici présentées et à laquelle elles apportent un certain nombre de réponses stimulantes pour la conduite de la classe de philosophie. -
La justice est le bien le plus précieux, le plus convoité, mais sans doute le plus difficilement réalisé. Sans avoir l'illusion que penser la justice comme concept la rend immédiatement plus réalisable, chacun des contributeurs de ce livre s'efforce de montrer comment les grands philosophes tentent de déjouer les apories qui en obèrent la mise en oeuvre effective ou explicitent les conditions qui la rendent possible. Même si cette injonction morale, sociale et politique se révèle foncièrement idéale, elle n'en est pas moins indispensable, toujours invoquée et discutée dans les pratiques.
Chaque chapitre commente sur la notion un extrait particulièrement pertinent d'un des grands auteurs de la tradition. Il offre une occasion de concevoir ou d'enrichir un cours et propose un outil permettant aux étudiants de répondre aux exigences des concours. Dans cet ouvrage comme dans le reste de la collection, l'intellectuel curieux comme le citoyen engagé trouveront matière à réflexion sur une question fondamentale qui n'a cessé d'interroger les hommes depuis la plus haute Antiquité.
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La réflexion sur le bonheur est toujours un peu suspecte tant cette notion semble évidente à la plupart. Pourtant, elle suppose des conditions et des exigences si nombreuses et si complexes que l'on peut difficilement se targuer d'en saisir clairement le concept. En effet, le bonheur est d'une part la bonne heure, la chance et la réussite en ce monde. D'autre part, elle est aussi la volonté de bien vivre, voire d'accomplir sa destinée, et de le faire pleinement. Elle contient à la fois une visée et une attente immense de la volonté, et une confiance dans la possibilité de réaliser cette fin dans le monde.
Vouloir être heureux est donc un désir contradictoire?: Comment puis-je vouloir que le monde satisfasse à la totalité de mon vouloir, alors même que je n'en suis qu'une partie?? Comment le bonheur est-il possible pour un homme dans un monde changeant, multiple, social?? C'est autour de cette difficulté que s'ordonne cet ouvrage, en interrogeant sur ces questions les grands auteurs de la tradition. Chacun s'est attaché à définir le bonheur, voire à le nier, mais tous en ont fait un passage obligé du questionnement philosophique.
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La politique n'est pas une science ; est-elle même une technique ? Plutôt un art, multiple, qui semble échapper à toute théorisation.
Elle comporte cependant trois dimensions : l'agir public, le champ des affaires communes et l'action des institutions. Les sciences politiques étudient les acteurs publics, leurs manières de faire ; le droit et l'histoire reviennent sur les changements des sociétés ; la philosophie embrasse le champ politique dans sa diversité, son indétermination.
On peut aussi distinguer régner et régir pour ce qui est du gouvernement, favoriser l'autonomie et réguler pour ce qui concerne la gouvernance. De façon originale, l'action politique est ici décrite en douze chapitres : diriger, décider, combattre ; représenter, orienter, administrer ; faire société, s'émanciper, résister ; gérer les conflits, délibérer, vivre en commun.
Se référant aux doctrines classiques et aux acquis de la recherche, les auteurs et les autrices ont tenté d'instruire lecteurs et lectrices des richesses et des complexités de l'action politique pour éclairer leur jugement. -
Le principe n'est pas seulement une notion générale ou un concept philosophique, c'est aussi une catégorie transversale à vocation fondatrice, intimement liée au processus historique et logique de constitution de la philosophie comme champ disciplinaire. Elle joue en effet un rôle déterminant dans chacune des dimensions qui organisent et structurent ce champ?: comme principe de l'être selon un axe ontologique, comme principe du connaître selon un axe épistémique, comme principe normatif qui règle l'action humaine dans ses dimensions éthiques et politiques.
De cette structure, le principe tire son efficace comme archè, commencement, fondement, cause, règle, loi, avec tous les paradoxes et difficultés qui naissent de cette polysémie.
Les auteurs mobilisent pour ce faire des philosophies canoniques (de Platon et Aristote à Heidegger et Husserl en passant par Descartes, Leibniz, Kant et Hegel), des épistémologies contemporaines ainsi que certaines perspectives théologiques. Les pensées qui prônent la destitution de toute principialité, pour être plus discrètes voire mineures dans l'histoire, n'en sont pas moins prises en considération : qu'elles discréditent le principe en posant un absolu au-delà de lui ou qu'elles le réduisent à l'inconséquence d'une auto-contradiction destructrice, comme fait le scepticisme, elles confrontent la philosophie au risque de sa propre impossibilité.
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Geste, figures et écritures de maitres ignorants : Platon, Montaigne, Rancière
Stéphanie Péraud-Puigségur
- Lambert-Lucas
- Le Discours Philosophique
- 10 Juin 2022
- 9782359353655
Que serait la philosophie de Platon sans Socrate ou l'écriture des dialogues?? Que resterait-il du travail de Montaigne sans le «maistre des maistres» socratique ou la «manière» des Essais? Enfin, l'oeuvre de Rancière aurait-elle la même teneur sans Joseph Jacotot, figure incontournable de «maître ignorant»? La pensée de ces trois auteurs n'existe pas indépendamment de ces figures et de ces écritures si particulières. On ne saurait résumer leurs philosophies, par ailleurs très singulières et différentes, à quelques questions, thèses ou concepts, en les amputant de la mise en scène de ces figures de maîtres si frappantes ou de l'invention stylistique qui leur donne corps et redouble, par les choix d'écriture, leurs gestes philosophiques. Ceci reviendrait à les trahir et à s'interdire l'expérience d'un autre rapport au savoir qu'elles nous invitent à vivre, chacune à sa façon.
Cet ouvrage étudie comment ces trois philosophes pensent, à travers ces incarnations, leur relation aux savoirs de leur temps et dans quelle mesure les figures et les écritures de maîtres ignorants qu'ils composent et mobilisent dans leurs textes leur permettent de faire expérimenter au lecteur les gestes philosophiques significatifs de ce rapport au savoir. -
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L'imagination
Marion Bet, Collectif, Paula Galhardo-Cepil, Vincent Geny, Pierre Guenancia
- Lambert-Lucas
- Didac-Philo
- 19 Septembre 2023
- 9782359354201
L'imagination ne s'est pas d'emblée donnée à penser : elle s'est d'abord manifestée par ses productions - mythes, fantasmes, oeuvres d'art ... - et avant même de la reconnaître, la philosophie l'a d'abord refoulée et combattue. Force d'illusion pour Platon, « maîtresse d'erreur et de fausseté » pour Pascal, l'imagination n'a pourtant cessé de travailler, de manière souterraine, toute l'histoire de la philosophie. Loin d'être une fonction de l'esprit parmi d'autres, l'imagination est bien plutôt la « reine des facultés » (Baudelaire), celle qui rend possible l'exercice et la fécondité de toutes les autres, et permet à l'homme de donner forme et sens à son monde.
Cet ouvrage explicite la progressive découverte de l'imagination à travers l'étude de quatre moments décisifs de son histoire conceptuelle et des principaux auteurs qui l'ont pensée : (i) l'Antiquité et la Renaissance, où elle vaut comme sensibilité autant que comme illusion ; (ii) l'âge classique, qui la confronte à la raison, dans un jeu complexe d'attraction et de rejet ; (iii) les xviiie et xixe siècles, où la promotion de la sensibilité et de la création artistique lui permettent d'être reconnue dans son originalité ; (iv) le xxe siècle, qui se concentre sur l'imaginaire et sur ses oeuvres. -
La religion
Pierre-Alban Gutkin-Guinfolleau
- Lambert-Lucas
- Didac-Philo
- 25 Septembre 2023
- 9782359354218
Si la philosophie de la religion - née au XVIIIe siècle d'un débat sur la nature de la Révélation, sur le statut de la foi et sur son rapport à la raison - est une discipline assez récente, la religion elle-même accompagne les préoccupations des philosophes depuis l'Antiquité grecque. Valeur sociale de la piété et fonction métaphysique du divin traversent le Moyen Âge et les temps modernes pour se ressourcer à l'époque contemporaine dans des disciplines voisines, dont en particulier les sciences sociales du religieux. Descriptions de la vie religieuse, définitions de la religion, rapports de la religion à la vérité, à l'histoire et à la politique forment une trame complexe qu'il est nécessaire de restituer pour en saisir les enjeux. Traçant son chemin de Platon à Wittgenstein, ce volume alterne des textes célèbres et d'autres plus confidentiels pour offrir une intelligence des objets et des problèmes caractéristiques de la religion en prise avec leur passé, leur actualité et leur postérité.
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Les métaphores dans la philosophie de Leibniz
Cristina Marras
- Lambert-Lucas
- 30 Septembre 2017
- 9782359352214
L'usage des métaphores dans le discours philosophique est généralement réduit à une fonction secondaire, didactique et rhétorique, dont il faut soigneusement limiter les risques, ou il est au contraire considéré comme un mode de subversion du concept et du système.
S'inscrivant en faux contre cette représentation traditionnelle, souvent partagée par les spécialistes de Leibniz, Cristina Marras s'appuie sur le renouveau des théories contemporaines de la métaphore pour analyser les réseaux métaphoriques à l'oeuvre dans la philosophie de G. W. Leibniz.
L'océan et les mondes aquatiques, le chemin et le voyage, les métaphores optiques et du miroir, celles du labyrinthe, de la balance et les métaphores mécaniques, forment des réseaux complexes qui émergent au sein de la trame discursive et enrichissent le dispositif conceptuel de la pensée de Leibniz. La métaphore, figure de transfert (metapherein) et de « connexion » de la langue, joue un rôle heuristique, herméneutique, argumentatif et cognitif déterminant. Elle permet de sortir d'une lecture dichotomique des textes de Leibniz dans laquelle on oppose langues artificielles et langues naturelles, unité et pluralité, théorie et pratique.
L'approche de ce livre peut ainsi être définie comme « convergente »; elle vise à harmoniser, et non à hiérarchiser, les domaines de la connaissance et les catégories caractéristiques de la philosophie de Leibniz. -
Détrôner l'être : Wittgenstein antiphilosophe ? (en réponse à Alain Badiou)
Antonia Soulez
- Lambert-Lucas
- 26 Juin 2023
- 9782359354034
L'occasion de ce livre n'est pas tant de polémiquer avec Alain Badiou, - pour qui Wittgenstein est un antiphilosophe dont seul le Tractatus est digne d'être lu, - que de renverser la critique : tandis que pour Badiou, le philosophe doit guérir de l'antiphilosophie, - c'est-à-dire, selon lui, de l'antiplatonisme, - Wittgenstein soutient au contraire que pour guérir du platonisme, il faut lâcher l'idée d'une doctrine arrêtée des fondements objectifs de la signification pour une pratique d'application qui fait de la philosophie une activité à l'épreuve du réel. L'Être détrôné laisserait alors le champ à l'être se manifestant à nous par les aspects que nous en recueillons. Ce mouvement reconduit vers une politique du langage, dans une perspective engagée que Badiou a refusé de reconnaître au Cercle de Vienne pourtant inspiré en premier lieu par Wittgenstein. Car en nous ramenant au sol de nos usages, la méthode descriptive consiste bien à nous ramener de la grammaire vers les institutions.
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Comment lire Derrida lorsqu'on n'est pas derridien? Sa philosophie exclut par avance toute lecture qui serait surplombante, que celle-ci relève de l'histoire de la philosophie ou de toute autre approche métaphilosophique. Mais l'impertinence exigerait tout autant le renversement de la question : Comment lire Derrida quand on est derridien? On ne peut qu'écrire avec lui, comme lui. N'a-t-il pas en effet disqualifié la différence même entre écriture et commentaire? Comment dès lors l'analyser sans se laisser contaminer par les effets déconstructifs induits par son écriture, ni le trahir par une distance telle qu'elle ferait perdre la spécificité de son style philosophique?
C'est le défi que les contributeurs de ce livre s'efforcent de relever en proposant des analyses croisées d'Éperons. Les Styles de Nietzsche dont la lecture s'avère à cet égard particulièrement pertinente puisqu'elle pose directement - tout en les liant à la question du féminin et de la différence sexuelle - les questions du style et de l'herméneutique.
Les études proposées, inscrites dans différents champs disciplinaires - philosophie, analyse de discours, sémiotique et stylistique -, permettent de mesurer à quel point l'on peut faire droit à l'originalité de Derrida sans le poser comme indéchiffrable, et mettre à jour les caractéristiques d'une parole philosophique qui, tout en mimant la pratique traditionnelle du commentaire, entend produire un nouveau mode d'énonciation philosophique. -
Les philosophies se condensent en des énoncés minimaux et autonomes dotés de propriétés formelles qui leur confèrent un aspect remarquable, signatures doctrinales (« Connais-toi toi-même », « L'existence précède l'essence ») ou énoncés à portée universelle (« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », « L'homme est un loup pour l'homme »). Ces formules emblématiques circulent entre les grandes oeuvres et sont recontextualisées dans des textes seconds (doxographies, manuels, dictionnaires, recueils de formes brèves...). Elles s'inscrivent dans des usages essentiels à l'activité discursive : mémorisation, transmission, enseignement, commentaire, contribuant fortement à tisser l'interdiscours philosophique. Elles jouent également le rôle d'ambassadrices auprès d'autres formes de discours et dans l'espace public et ses lieux communs. Au sein d'une doctrine, les formules philosophiques concentrent les schèmes spéculatifs, en permettent l'identification et le redéploiement et parfois, dans les formes brèves ou les genres formulaires, en constituent le mode d'exposition privilégié.
Les contributeurs comparent les formules philosophiques aux proverbes, sentences et aphorismes et proposent des pistes pour en comprendre l'élaboration et la nature en rapportant leurs caractéristiques formelles, rhétoriques ou stylistiques, à leur valeur philosophique. Grâce à l'étude de cas divers (Épicure, Descartes, Hegel, Feuerbach, Marx, Nietzsche, Wittgenstein, Lévinas, Merleau-Ponty, Foucault, Derrida), ils interrogent le rôle d'une écriture formulaire en philosophie.
Le Groupe de recherche sur l'analyse du discours philosophique (GradPhi, équipe du Céditec - Université Paris Est Créteil Val de Marne) réunit des philosophes et des linguistes soucieux d'appréhender la philosophie comme une activité discursive. Depuis 1995, il publie régulièrement des travaux auxquels il associe des chercheurs venus d'autres horizons. -
Bien que souvent associée à d'autres notions (telles que l'expérience, la pratique, etc.), la théorie vaut d'abord en tant que concept en soi. Or, de la theôria grecque à la démarche théorique de la science moderne, la théorie est un discours toujours plus présent, et toujours plus fécond, survivant à toutes les antinomies. Si la contemplation antique se donnait comme un accès immédiat à la vérité et à l'être, la théorie des temps modernes est devenue un instrument changeant, parfois simplement descriptif des phénomènes. Un renversement s'est opéré depuis les Grecs et c'est ce renversement qui est interrogé ici. Peut-on comprendre la théorie comme un rapport abstrait et distant aux phénomènes, ou conserve-t-elle, dans sa visée, la perspective de vérité que Platon lui assignait dans la République ou le Phédon? Est-elle un discours parmi d'autres, - un système de représentations destiné à donner de la cohérence à la pensée, - ou recherche-t-elle toujours, par-delà la pensée, l'unité de l'être?
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Approche philosophique d'une didactique de la philosophie
Patricia Verdeau
- Lambert-Lucas
- 23 Juin 2021
- 9782359352597
L'enseignement de la philosophie ne peut se passer d'une constante interrogation sur ce qui enseigne et sur ce qui éduque. Il est alors nécessaire d'interroger les enjeux philosophiques d'une didactique de la philosophie au même titre que le rapport entre cette didactique et son objet disciplinaire.
Y a-t-il une méthode en philosophie? Y a-t-il une méthode en didactique? La démarche de l'auteur interroge une proximité entre attentes didactiques et attentes philosophiques, jusque dans l'appréhension des concepts de « compétence » et de « curriculum ».
L'approche philosophique de la didactique de la philosophie nous ramène au commencement même du texte philosophique, à cet acte de produire un discours philosophique, à cet acte d'écrire à partir desquels une pensée s'élabore - rapports féconds et nécessaires entre une didactique de l'écriture philosophique et une didactique de la lecture philosophique.
Et pourtant, l'approche philosophique d'une didactique de la philosophie, aussi travaillée qu'elle puisse être dans des enjeux légitimement liés à la raison, ne peut oublier les singularités des professeurs dont les gestes sont autant d'efforts intellectuels pour que des personnalités singulières d'élèves puissent mettre en oeuvre des efforts intellectuels singuliers. -
Kierkegaard et Wittgenstein : logique, langage, existence
Mélissa Fox-Muration
- Lambert-Lucas
- 13 Septembre 2022
- 9782359353488
Il peut sembler étrange de rapprocher Kierkegaard et Wittgenstein, deux penseurs inscrits dans des contextes historiques si différents. Pourtant, au prix d'un double déplacement du regard, le rapprochement s'avère fécond. Il révèle une certaine «?ressemblance de famille?». Il s'avère aussi nécessaire pour éclairer (ou critiquer) les deux philosophes l'un par l'autre. Comme le donnent à penser les traces de cette influence dans son oeuvre, Wittgenstein a été marqué par la lecture du Danois. L'auteur fait ici pour la première fois le relevé complet de ces traces.
D'un autre côté, on ne saurait réduire Kierkegaard au «?penseur de l'existence?» ou au «?poète du religieux?». L'analyse du corpus montre qu'il développe - outre une philosophie du langage - une logique du discours qui pense ses conditions de production et de communication (comme le fait de son côté Wittgenstein en philosophie du langage ordinaire), articulant subjectivité et formes de discours.
Cette approche comparée, qui reste soucieuse des différences et des oppositions, permet de réhabiliter les aspects les plus philosophiques de l'oeuvre de Kierkegaard et contribue à dissiper l'auréole de mystère qui entoure les textes de Wittgenstein. Kierkegaard et Wittgenstein effectuent un pas de côté par rapport aux ontologies rationalistes et aux métaphysiques classiques, travaillant les marges de la philosophie grâce à la singularité de leurs modes de pensée, de leurs écritures, de leur idée d'oeuvre inachevable. -
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